Ces familles qui choisissent de vivre sans école


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(le site de Parisbalades va bientôt disparaitre)

 

(un réseau à Paris et Ile-de-France réunit les familles vivant en instruction en famille, aller sur le site de l’école Delavie https://lecoledelavie.org.)

Actuellement en France, environ 30 000 enfants de 6 à 16 ans* (soit 0,3 % des jeunes en âge d'aller à l'école) ne se rendent pas tous les matins dans un établissement scolaire. Pour certaines familles, l'instruction en famille est un choix par défaut (maladie, handicap), pour d'autres, un choix mûrement réfléchi et assumé. Sur 27 000 enfants scolarisés dans les établissements à distance, 20 000 le sont au CNED et 7000 dans les cours privés. Enfin, près de 3000 enfants sont instruits dans la famille et ne suivent pas a priori de programme scolaire, comme le leur permet la loi. Il faut ajouter environ 3000 enfants de 3 à 6 ans et "un certain nombre" de plus de 16 ans.

 

Pourquoi ce choix ?

Certains parents déscolarisent leur enfant en cours d'année parce qu'il s'avère être en souffrance (car trop "lent", ou trop rapide, trop rêveur, ayant perdu confiance en lui et ses capacités) dans le système traditionnel. D'autres n'inscrivent pas leur enfant suite à une longue réflexion sur l'éducation : "L'appétit d'apprendre d'un tout petit lui a permis de marcher, parler, boutonner ses vêtements : le laisser continuer ses apprentissages à son rythme permet de préserver sa curiosité et sa confiance en lui" observe une mère. "Lorsque j'ai vécu aux Etats-Unis, j'y ai rencontré des adolescents jamais scolarisés qui m'ont donné envie de ne pas envoyer mes enfants à l'école ; ils étaient souvent plus autonomes, débrouillards, à l'aise", dit cette mère récemment installée en France.

 

Plusieurs tendances

Plusieurs tendances existent parmi les parents qui ne choisissent pas l'école, dont la démarche est souvent qualifiée d'"instruction en famille" (IEF), d'"école à la maison" ou homeschooling : certains veulent offrir un enseignement stimulant à leur enfant. D'autres ne veulent faire "ni école (puisqu'on suit les demandes de son enfant) ni à la maison (puisqu'il n'y a pas de lieu particulier pour apprendre)" comme le fait remarquer une mère de trois filles : ces derniers préfèrent le terme d'apprentissage autonome ou auto-géré, apprentissage informel, life learning ou unschooling. Entre ces deux façons d'envisager la façon d'apprendre des enfants, une multitude de nuances existe selon les préférences familiales. Certains acquièrent du matériel mais ne l'utilisent guère : "Je me suis procuré beaucoup de matériel Montessori, ça me rassurait de l'avoir, mais les enfants m'ont appris à partir de leurs questions à eux" témoigne une mère de trois enfants de 6 à 10 ans. D'autres "s'éclatent en utilisant du matériel inventif conçu sous l'impulsion de familles innovantes et curieuses, comme la méthode de mathématiques des frères Lyons", précise une mère de 6 enfants.

Aux Etats-Unis, certains homeschoolers mettent également en avant leurs croyances religieuses. Mais contrairement à ce que l'on croit souvent, ce n'est pas tant la crainte de voir abordé l'évolutionnisme à la Darwin qui motive le refus des fondamentalist christians que l'importance pour eux d'une éducation en famille, parfois plus sévère qu'à l'école d'ailleurs. La plupart des Etats d'outre-atlantique ont accepté facilement d'assouplir l'obligation scolaire qui existait avant les années 1970, par respect des choix individuels de chacun.

 

Quels reproches font-ils à l'école ?

"La question ne se pose pas en ces termes" s'agacent certains : beaucoup de parents rencontrés ne veulent pas se positionner par rapport à l'école. Ils affichent certes une philosophie éducative différente, mais leur choix n'est pas contre l'école.

Néanmoins, certains formulent des reproches précis et locaux concernant l'école de leur quartier : ils parlent de la violence de la cour de récréation, du bruit, du nombre important d'enfants par classe qui leur semble empêcher une relation de qualité avec l'enseignant. La plupart regrettent la faible place faite aux parents par l'école : ils ne veulent pas confier leur enfant 6 ou 8h par jour à quelqu'un qu'ils n'ont pas choisi et avec lequel ils ne peuvent guère interagir.

Certains vont jusqu'à critiquer l'institution scolaire en elle-même, en ce qu'elle habitue les enfants à être passifs face au savoir puisque c'est le maître qui enseigne un programme conçu sans les élèves. "Les enfants apprennent d'autant mieux qu'on ne leur enseigne pas" témoigne cette mère de trois enfants de 25, 21 et 15 ans jamais scolarisés. "Lorsque vous posez une question, vous êtes en train d'enseigner ; lorsque l'enfant pose une question, il est en train d'apprendre", ajoute t-elle. Ces parents critiquent les notations : ils estiment que l'enfant n'a pas besoin de ces carottes et bâtons artificiels pour grandir puisqu'a été préservé son désir spontané d'apprendre. Ils ne veulent pas de la course à la performance qu'implique l'école qui, pour les plus critiques, est le fondement de la course à la consommation de notre société, via frustrations et prescriptions extérieures à soi.

 

Pourquoi ces parents n'ont-ils pas choisi une "école différente" (Montessori, La Source, etc., cf. http://ecolesdifferentes.free.fr) ?

Rares, les écoles alternatives sont souvent éloignées du domicile. Elles sont aussi trop chères : "Je me suis mise à travailler pour payer l'école Steiner à ma fille, mais du coup je la voyais beaucoup moins, et elle n'en était pas si contente" témoigne cette mère d'une adolescente de 15 ans. N'ayant guère changé depuis le fondateur, leurs méthodes sont parfois perçues comme rigides, un peu dogmatiques alors que l'école publique semble davantage avoir fait une synthèse des apports des grands pédagogues. "Ces écoles restent un lieu spécial d'enseignement déconnecté des activités quotidiennes de l'enfant" fait remarquer un père. "Bien qu'elle soit différente, c'est toujours une école, avec des horaires, un nombre insuffisant d'adultes (pas choisis par les parents) pour donner de l'attention à tous les enfants, l'obligation de changer de lieu de vie plusieurs fois par jour, et des apprentissages pas choisis par les enfants" ajoute une mère de quatre enfants âgés de 9 à 15 ans.

 

Ces parents ne font-ils pas vivre à leur enfant une projection de leur scolarité à eux ?
Beaucoup de parents évoquent en effet leur scolarité où prime dans leur souvenir l'ennui, parfois le rejet -mais pas toujours (notamment parmi les parents enseignants). Néanmoins cette projection existe chez tous les parents, y compris les scolarisants. "La question ne se pose pas en ces termes" juge un père, "a priori tous les parents veulent faire des choix libres et responsables".

 

Quelle est leur situation par rapport à la loi?

L'expression 'école obligatoire ' est toujours mise en avant lorsqu'on évoque l'école publique ("laïque et obligatoire"…) mais on ignore souvent que c'est l'instruction qui l'est en droit, conformément à la loi du 28 mars 1882.

La loi du 18 décembre 1998 (complétée par un décret et une circulaire) précise les modalités de contrôle des familles par l'Etat : à partir des 6 ans de leur enfant, les parents doivent effectuer deux déclarations, l'une à la mairie (qui procède à un contrôle des conditions de vie), l'autre à l'inspection académique. Un inspecteur doit vérifier chaque année que "l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction". "Le contrôle de l'instruction [ne doit pas se faire en référence] aux programmes en vigueur dans les classes des établissements publics ou privés sous contrat", ce qui devrait donner une certaine souplesse aux parents qui souhaitent suivre les sujets d'intérêt de leur enfant. L'objectif est que l'enfant non scolarisé atteigne à 16 ans "un niveau comparable dans chacun des domaines énumérés ci-dessus à celui des élèves scolarisés". "Lors du contrôle, il devra être tenu compte de l'âge de l'enfant, de son état de santé et de la progression globale définie et mise en œuvre par les personnes responsables, en fonction de leurs choix éducatifs, l'objectif étant nécessairement d'amener l'enfant, à l'issue de la période d'instruction obligatoire, à un niveau comparable à celui des enfants scolarisés dans les établissements publics ou privés sous contrat."
(Source : www.education.gouv.fr/bo/1999/hs3/circul.htm#I.5)

 

Même si la loi affirme que "cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement", les parents ont ainsi le sentiment "d'avoir la loi pour [eux]", et trouvent dommage que la visite des inspecteurs puisse parfois mal se passer. Lorsque la famille suit les programmes de façon scolaire, le contrôle se déroule bien : "Malgré le stress, j'aime bien savoir où en sont mes enfants par rapport aux enfants de leur âge ; de plus, le satisfecit donné par l'inspecteur a été une récompense motivante de nos efforts" raconte une mère. Dans le cas de familles qui suivent les questionnements de leurs enfants, le contrôle peut mettre au jour des incompatibilités de vision du monde. Certains s'adaptent avec regret : "L'arrivée des contrôles plus systématiques à partir de 1998 a altéré nos relations avec les enfants" témoigne cette mère de quatre enfants de 9 à 17 ans. "Il a fallu que je les presse pour qu'ils produisent des travaux scolaires à présenter, alors qu'ils avaient toujours été moteurs de leurs apprentissages jusqu'alors". Enfin, certaines familles doivent aller jusqu'au procès afin de faire valoir leurs "choix éducatifs" pour reprendre les termes officiels.

 

Pour finir, "personne ne vérifie les conditions de vie des enfants scolarisés, la visite sociale est humiliante dans son principe" estime un père dont la visite s'est pourtant très bien passée. "Les inspections a priori insinuent que nous sommes des parents irresponsables", s'agace un autre père.

Et la socialisation ? Ces parents n'ont-ils pas l'impression d'isoler et de marginaliser leurs enfants ?

"Ce sont de nouveau des craintes de scolarisants, qui reflètent et entretiennent le mythe de l'école obligatoire en France ; mais ces questions sont bien éloignées du vécu des parents ayant fait un autre choix" dit un père.

Les enfants non-scolarisés fréquentent la plupart du temps des activités extra-scolaires, rencontrent régulièrement d'autres enfants non-scolarisés (malgré les distances à parcourir). Les parents constatent néanmoins qu'un enfant ne demande pas de lui-même des contacts quotidiens pendant 6 ou 8 h par jour avec d'autres enfants.

Certains critiquent la socialisation de l'école, basée sur la fréquentation toute l'année d'un groupe identique de pairs du même âge, où "socialisation semble signifier en fait que l'enfant sait se soumettre aux règles d'un groupe qu'il n'a pas vraiment choisies", et où ces relations sont perçues comme potentiellement violentes. "La vie d'un adulte ne se résume pas à la fréquentation d'un groupe de 30 personnes du même âge, mais par l'insertion dans des réseaux de relations divers, commerçants, voisins, amis, famille, etc." raconte un père. Les enfants non-scolarisés intègrent par ce biais-là les codes de la société.
Deux textes à ce sujet : www.lesenfantsdabord.org/socialisation.htm et http://cise.asso.free.fr/pages/page%20question%20socialisation.htm  

La prédominance de l'école conduit assurément à une certaine marginalisation de ces familles. Le point commun entre les parents rencontrés est qu'ils ne craignent pas cette marginalisation, même s'ils en souffrent. Ils se sentent intégrés à maints autres égards, ou alors assument d'autres choix comme un regard plus "naturel" sur la santé ou une "simplicité volontaire" liée à leur approche écologique et/ou leurs revenus modestes.

Cette marginalité est une spécificité française. Aux Etats-Unis où les homeschoolers représentent 4% des enfants (1,5 % en Grande-Bretagne), il y a toujours des voisins qui font ce choix, il est donc facile de constituer des petits groupes d'enfants afin de bénéficier de l'émulation du groupe. Ces deux millions d'enfants non-scolarisés constituent un marché : les supports sont nombreux et variés, il existe de multiples activités sportives et culturelles aux heures de l'école. Les grandes universités offrent même un cursus spécial d'entrée pour les homeschoolers. Comme cette option est courante, et connue, le choix de l'école est d'ailleurs davantage conscient.

 

Comment cela se passe-t'il tous les jours ?

Cela dépend des choix des parents, selon qu'ils aient inscrit leur enfant dans un cours par correspondance de type Cned ou non. Les témoignages convergent sur le temps de travail plus réduit à la maison qu'à l'école "puisqu'il n'y a plus le temps de l'installation, des rappels à l'ordre" et puisque "avec son enfant on s'adapte à sa façon d'apprendre".  Le travail se fait souvent le matin, l'après-midi étant alors consacré à des activités artistiques ou sportives.

 

La plupart des parents transmettent des informations en vivant au quotidien avec leurs enfants, à l'occasion de la confection ou du découpage d'un gâteau, du jardinage, d'émissions télévisées, de vision de séries en anglais, de lectures familiales de romans, de visites locales, de voyages plus ou moins longs. Beaucoup proposent des thèmes, dans une interaction fine entre parents et enfants : "Ils me font confiance sur les choix des thèmes que je leur propose" précise une mère, qui poursuit : "On est tous en situation d'apprentissage, c'est jubilatoire".

 

Une fois que l'enfant sait lire (avec ou sans méthode particulière, à 5, 8 ou 12 ans, les enfants ayant appris "tardivement" étant souvent de bons lecteurs), le parent peut l'aider à trouver des réponses aux questions qu'il se pose, en l'inscrivant à la bibliothèque ou en s'assurant de… la qualité de la connexion à internet.

 

Comme nous l'apprend ce passionnant témoignage d'apprentissage autonome (www.lesenfantsdabord.org/courtois_intro.htm, notamment pages III et suivantes) : "Un enfant libre maîtrise […]  son processus d'apprentissage. Il va refuser l'aide ou l'information qui ne lui est pas utile sur le moment, faire un nombre important d'essais et d'erreurs jusqu'à parvenir à ses fins, créer ses propres situations d'apprentissage, poser des questions extrêmement précises dans l'attente de réponses tout aussi précises." D'où l'importance d'un entourage confiant et non-jugeant : "Le jugement ou la tentative d'aide pleins de bonnes intentions mais non demandés par l'enfant vont remettre en question pour lui la validité même de son fonctionnement, et le faire douter de ses capacités à gérer son apprentissage. […] Libre, il va se révéler très exigeant et perfectionniste, mais ses jugements sont exempts de notion de valeur : il sait qu'une erreur est une façon d'évoluer vers une réussite, et n'est pas un échec. Il sait que l'ignorance d'une donnée signale un besoin d'information et de recherche et n'est pas une preuve d'insuffisance."

 

Comment ces jeunes feront-ils pour les apprentissages plus formels ? Ne faut-il pas un peu forcer quand même à un moment donné pour les chapitres les plus rébarbatifs? Les tenants du homeschooling mettent en avant leur enthousiasme et leur créativité pour présenter aux enfants les aspects des programmes les moins plaisants. Les parents "unschoolers" répondent que l'enfant accèdera de lui-même à des apprentissages plus formels, par exemple en mathématiques, le jour où ces connaissances lui seront utiles dans un projet motivant ; ou encore…si ces sujets lui plaisent (et on a rencontré beaucoup d'enfants amateurs de mathématiques!). Sinon, "souffrir pour acquérir ces apprentissages ne me parait pas utile, d'abord car on les oublie complètement s'ils ne servent pas ; et si à 30 ans on en a besoin, c'est beaucoup plus intéressant et agréable de les acquérir à ce moment-là", précise un père de trois enfants.

 

N'est-il pas inconfortable pour un parent d'être professeur de son enfant ? De devoir punir son enfant s'il n'a pas fait son travail ou s'il a perdu ses affaires ? Beaucoup de parents interrogés réfutent la notion de "punition", y compris dans leur éducation en général. "Si l'enfant est laissé moteur de ses apprentissages, il n'y a plus de notion ni de récompense ni de contrainte". Pour les enfants guidés par leurs parents ou par un cours par correspondance, les parents tiennent à assurer une relation de confiance avec leurs enfants.

 

Quel avenir pour ces enfants ?

Pour certains enfants en difficulté, l'année sans école sera comme une respiration afin de se réconcilier avec eux-mêmes, retrouver confiance en eux, ne plus subir l'école mais y aller par choix.

 

D'autres souhaitent intégrer le système en seconde, pour connaître l'expérience d'une vie de classe. Les débuts sont parfois décrits comme difficiles, notamment pour les travaux en temps limité et le rythme très soutenu : "Je n'avais plus le temps de réfléchir à ma vie" dit ainsi cette jeune fille de 16 ans.

Certains commencent des études après avoir passé le bac en candidat libre. D'autres apprennent un métier par apprentissage.

 

L'influence d'internet

Le choix de ne pas scolariser est un phénomène en augmentation, notamment en raison du web : nombreux sont les forums qui en parlent, les listes de discussion qui rassemblent ces familles en quête de contact et d'échanges, les associations qui informent : notamment 'Les Enfants d'Abord' www.lesenfantsdabord.org, LAIA (Libres d'apprendre et d'instruire autrement) http://laia.asso.free.fr et CISE (Choisir d'instruire son enfant) http://cise.asso.free.fr. Les parents non scolarisants de 2005 sont bien moins isolés que leurs aînés.

 

Qu'implique ce choix par rapport aux valeurs de l'école républicaine ?

 

Mixité sociale et citoyenneté
Ces enfants resteraient toujours dans leur milieu : la non-scolarisation est-elle le "dernier ghetto des riches" ? Non si l'on considère leurs revenus monétaires : certes il faut que la famille puisse vivre avec un seul salaire, ou deux demi-salaires, mais les revenus de ces familles sont moyens ; elles ont fait en sorte de réduire leurs dépenses, souvent par exemple en quittant la région parisienne (beaucoup de familles vivent à la campagne). Leur richesse est surtout une richesse en temps, en temps libre et en temps non minuté. "Richesse" aussi en assurance pour faire face à la pression sociale, assurance liée parfois à un certain capital culturel.

Ces parents se font souvent qualifier d'égoïstes car ils retirent leur enfant au lieu de vouloir améliorer le système de l'intérieur. Certains répondent qu'il est illusoire de vouloir changer l'école à l'échelle d'une famille et qu'ils ne veulent pas "sacrifier" leur enfant au nom de beaux principes. D'autres mettent en avant le caractère inégalitaire de l'école, l'importance de la reproduction sociale actuelle du système scolaire avec l'endogamie des élèves des grandes écoles et la relégation des élèves des lycées professionnels. Les accusations d'élitisme existent de part et d'autre…

 

Universalité
"Tout le monde ne pourrait pas faire votre choix", s'entendent souvent dire les parents non-scolarisants. Ceux-ci ne pensent pas que tout le monde devrait faire leur choix, ils souhaitent simplement être mieux tolérés et mieux compris. Certains proposent parfois des idées pour améliorer l'école, telle celle-ci : les élèves pourraient n'aller à l'école que 3h par jour (soit le matin, soit l'après-midi), de façon à ce qu'on puisse, à budget égal, proposer des classes de 12-15 élèves avec lesquelles les interactions enfants-enseignants seraient plus riches.

 

Spécialisation des savoirs
Comment des parents osent-ils penser qu'ils pourraient remplacer la diversité des talents et des compétences des enseignants? Ils répondent qu'ils n'ont pas cette prétention car ils se vivent comme accompagnateurs de la curiosité de leurs enfants. Ils aiment cette recherche commune de réponses aux questions que les enfants se posent –à la bibliothèque, dans une revue, sur internet, en rendant visite à un spécialiste ou à un professionnel, etc. 

 

Efforts faits par les enseignants pour la bonne qualité de l'école
Comment ces parents acceptent-ils de priver leurs enfants de tout ce qu'il y a de bien à l'école ? "Ce que nous trouvons avec la non-scolarisation (une certaine autonomie, des apprentissages approfondis, une bonne estime et connaissance de soi) est plus important pour nous"  répond un père.

 

Emancipation par rapport aux parents
N'est-ce pas étouffant pour les enfants de toujours vivre sous le regard des parents? Avec des enfants et adultes toujours choisis par les parents? L'école ne libère t-elle pas les enfants des parents dans une certaine mesure? Une mère répond : "Je pense qu'un petit enfant a besoin de la sécurité émotionnelle de la vie familiale. Lorsque les enfants grandissent, ils prennent de la distance par eux-mêmes, ne serait-ce que par le choix de leurs activités". "Mes filles voient beaucoup de monde, elles dorment souvent chez des copines scolarisées ou non-sco, leurs amies viennent régulièrement passer quelques jours chez nous" raconte une mère de deux filles de 8 et 12 ans.

 

Ces parents non-scolarisants ont, à l'inverse, plutôt l'impression que l'école sert surtout à … libérer de nombreux parents de leurs enfants. "Calculant le bonheur par le taux de croissance du PNB, notre société occidentale moderne sépare les parents (qui doivent travailler) des enfants qui doivent être gardés, et le sont parfois correctement par l'école, étant donné le budget alloué", estime une mère de trois enfants.

 

Préparation à la vie d'adulte
"Vous ne voulez pas préparer vos enfants aux difficultés du monde des adultes ? La compétition, la hiérarchie, le jugement des chefs sont des valeurs de la société actuelle auxquelles on ne peut se soustraire". Certains parents répondent que si, qu'eux-mêmes vivent sans rapports de force dans leur vie quotidienne, dans leur cercle amical et professionnel.

 

Ainsi, le témoignage de ces familles non-scolarisantes offre comme un portrait en négatif de l'école. L'existence de cette possibilité interroge, notamment sur la faible place des parents dans notre système éducatif : il est significatif que malgré les inconvénients d'un relatif isolement, ces familles préfèrent quand même se passer de ce que l'école peut apporter.

Claudia Renau
claudia.renau@gmail.com
Rédigé pour Le Café pédagogique, non publié

juin 2005

* auxquels on peut ajouter 20 000 jeunes de plus de 16 ans et 10 000 enfants de 3 à 6 ans.

Liens :
Cafepedagogique.net/disci/article/59.php sur les écoles différentes.
Nouvelobs.com/articles/p2129/a274632.html - "Les bonnes recettes venues d’ailleurs", un article très intéressant rejoignant les principales critiques des familles non-scolarisantes. Et aussi Nouvelobs.com (copie de sauvegarde) - "Ecole : la leçon finlandaise" par Caroline Brizard, le 17 février 2005.    

Freinet.org/pef/gra4page.htm -
Célestin Freinet, "Grammaire française en quatre pages par l'imprimerie à l'école"
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=63324 - "Si le système scolaire était conçu pour enseigner quelque chose à quelqu'un, ça se saurait"
http://fr.wikipedia.org/wiki/Instruction_en_famille

Pour aller plus loin
Notre non-sco racontée à qui veut l'entendre - Claudia Renau

Des livres pour aller plus loin

   Bibliographie tenue à jour sur https://lecoledelavie.org
 
    Charlotte Dien, Instruire en famille, Rue de l'Echiquier

    John Holt, Les apprentissages autonomesComment les enfants s'instruisent sans enseignement, traduction de Learning all the time, 1990, éditions l’Instant présent.
    Sylvie Martin-Rodriguez, Les 10 plus gros mensonges sur l'école à la maison, Dangles (Fnac)

    André Stern, ... Et je ne suis jamais allé à l'école, Actes Sud.

    Alan Thomas et Harriet Pattison, A l'école de la vie, les apprentissages informels sous le regard des sciences de l'éducation, traduction de How children learn at home, éditions l’Instant présent.