5ère partie - Le dynamisme démographique : la fécondité et la mortalité

I- La fécondité des populations

1- Les mesures de la natalité et de la fécondité

- Le taux de natalité

Nombre d'enfants qui naissent pour 1000 habitants
Rapport du nombre de naissances d'une année à l'effectif de la population au milieu de cette année, généralement exprimé pour 1000 personnes

Le taux de natalité n'est pas un bon indicateur pour le dynamisme d'une population, car il est influencé par la structure par âge : actuellement le taux de natalité en France n'est pas aussi bas que dans d'autres pays ayant eu un baby boom moins vif, car, appartenant à la fin du baby boom (datée de 1965-1975), la génération en âge d'avoir des enfants est encore assez nombreuse. En fait ce chiffre sert surtout pour calculer le taux d'accroissement naturel. C'est pourquoi on utilise d'autres mesures :

- Les mesures de la fécondité

Elle sont préférables car elles éliminent les effets de structure

- Il faut d'abord savoir ce qu'est réellement le taux de fécondité (différent de la définition habituellement utilisée dans le secondaire) : c'est le rapport du nombre de naissances (vivantes) à l'effectif des femmes en âge de procréer (15-49 ans) (par exemple 50-80 ‰ dans les pays développés). Puis on peut calculer le taux de fécondité par âge (nombre de naissances pour les 15-19, les 20-24 etc.)

- Puis on additionne tous ces taux et on obtient l'indice conjoncturel (ou synthétique, dans tableaux de l'Ined) de fécondité que vous avez pu connaître aussi sous le nom de "taux de fécondité" : c'est le nombre moyen par femme à un moment donné. C'est la mesure la plus souvent utilisée : elle est à la fois très concrète et a totalement éliminé les effets de structure.

Définition plus complète : c'est le nombre moyen d'enfants qu'aurait une femme, au cours de sa vie, si elle avait la fécondité de l'année considérée. Donc c'est un chiffre fictif qu'il faut distinguer du nombre réel d'enfants nés d'une génération de femmes (descendance finale qu'on connaît bien plus tard).

Ce chiffre élimine l'influence des structures par âge mais pas l'âge auquel les femmes ont leurs enfants : selon les périodes, la constitution de la descendance est précoce ou tardive. Quand elle est tardive, ça tire l'indice vers le bas (comme en Europe depuis 1970).

2- La variation de la fécondité dans le monde

On utilise des taux (pour comparer), mais c'est intéressant de commencer par les chiffres bruts.

On utilise surtout l'indice conjoncturel de fécondité VOIR CARTE DISTRIBUEE
3 de moyenne mondiale, avec un maximum de 7,4 au Niger et un minimum de 1,2 en Lettonie, Bulgarie, Rep Tchèque, Espagne, Italie (mais aussi 1,5 à Cuba, 1,7 en Corée du sud). Situation intermédiaire en Asie du sud-est (3,2), Amérique du sud (2,8).

Ces chiffres baissent depuis 1970, surtout dans les pays industrialisés (y compris la Russie où la baisse est récente, indice de 1,3) mais aussi en Asie et en Amérique latine. Les seuls pays où il y a stabilité et même hausse sont en Afrique, en raison de l'amélioration de l'état de santé des femmes (sauf nord et sud de l'Afrique).

- Les causes de la fécondité faible des pays développés

Leur fécondité est très faible, en dessous du taux de renouvellement des générations (2,1 pour tenir compte des femmes qui n'auront pas d'enfants et qui mourront avant d'avoir des enfants)

Cet indice n'implique pas que la descendance finale soit aussi faible, mais on ne le saura que lorsque les premières générations à faible fécondité (nées à partir de 1965) auront constitué leur descendance finale.

Pourquoi ?

Déjà, contrairement à ce qu'on pourrait croire, la fécondité des femmes n'est pas directement liée à la richesse (les coefficients de corrélation pour PNB par habitant, taux d'urbanisation, consommation d'énergie sont seulement faiblement positifs). En fait les principaux facteurs sont socioculturels et concernent essentiellement la condition féminine. Dans l'atlas de la population mondiale, la carte de la proportion des filles dans l'enseignement secondaire est très proche de la carte de la fécondité

- La cause lointaine est le recul ancien de la mortalité (début du 19è s), qui faisait que les parents n'avaient plus besoin d'avoir autant d'enfants pour en garder au moins 2 ou 3. La baisse de la natalité a toujours suivi une première baisse de la mortalité (sauf en France où ça a été concomitant). LIEN ? ? ?

- Causes socio-économiques :
Généralisation des systèmes de retraite/ Autrefois les enfants étaient la aussi pour assurer les vieux jours, lorsque les parents ne pouvaient plus travailler.
Diminution de la pression sociale et familiale : il n'y a plus de famille élargie pour influencer, surtout dans les villes.
Influence de l'urbanisation et du mode de vie urbain : les appartements sont plus petits, on a besoin une voiture, qu'on doit souvent changer lorsqu'on a un troisième enfant.

Société de consommation : les gens sont de plus en plus attachés à leur confort matériel (continuer à aller en vacances, au ski) ; développement de l'individualisme, de l'importance de la famille comme cocon pour l'épanouissement individuel : avoir beaucoup d'enfants peut être une gêne pour cet épanouissement)

- Conception moderne de l'éducation.
Autrefois, l'enfant était un "don du ciel" (cf. Elisabeth Badinter, l'"amour en plus"). Aujourd'hui, les enfants sont objets d'un fort investissement sentimental, les parents ont la volonté de "réussir leurs enfants", de leur donner le maximum (en confort matériel et en activité, en temps passé), ce qui n'est guère possible avec une famille nombreuse.
De plus en plus l'enfant reste scolarisé longtemps ce qui augmente le coût de son éducation.

- Développement de l'instruction en général et des femmes en particulier
Leur fécondité décroît parallèlement car les femmes instruites se servent mieux des moyens de contraception modernes et car elles s'investissent plus dans leur travail, donc souhaitent moins d'enfants.

- Concernant le mariage.
Traditionnellement, les femmes européennes se mariaient tard (vers 25 ans) puisque c'était une stratégie collective pour avoir moins d'enfants. Aujourd'hui, elles ont continué à se marier tard
puisque l'âge moyen du mariage en Europe est de 23-24 ans (un peu plus en France avec 25 ans).
Il y a eu depuis 30 ans une baisse du nombre de mariage, les naissances se font de plus en plus hors-mariage (30 % pour le premier enfant, nettement moins après puisque beaucoup de couples régularisent).
Le célibat est assez important :Irlande 29 % des femmes de 35 ans (/ 2 % des femmes indiennes)

- L'âge de la maternité est tardif, ce qui diminue aussi le nombre d'enfants. Tardif à cause de la durée des études, de la lenteur de l'entrée dans la vie active et de l'installation des jeunes couples. En moyenne l'âge au premier enfant en Europe est de 25-26 ans  (mais c'est plus jeune aux Etats-Unis et en Europe balkanique, traditionnellement)

- Affaiblissement de la pratique religieuse, alors que la plupart des religions sont natalistes (surtout catholicisme et islam)

- Concernant les moyens modernes de contraception : ce ne sont pas vraiment des causes car il faut une motivation préalable de les utiliser. Ce sont surtout des moyens qui ont accéléré des mouvements qui avaient déjà commencé sans eux. Par exemple, la fécondité était de 2 en France en 1930 sans contraceptifs modernes. Le principal moyen de contraception autrefois était le retrait masculin, ou coïtus interromptus. Le préservatif apparaît fin 18è aussi, servant essentiellement de protection contre les maladies vénériennes.

Puis il y a eu des méthodes connues pour leur inefficacité (méthode Ogino basés sur les cycles féminins) et surtout la pilule (découverte par l'Américain Pincus), et diffusée en France à partir de  1962, mais généralisée surtout dans les années 1970.

75 % des femmes en France (entre 70 et 80 % en Europe) utilisent un moyen de contraception, ce qui est proche du maximum (il y a toujours environ 25 % de femmes qui sont enceintes, ou voudraient l'être, ou seules)

- Dans les pays du bloc communiste, l'avortement a longtemps servi de moyen de contraception
En Europe et en Amérique du nord, longtemps interdit par la religion chrétienne   (et du coup, avortements illégaux et dangereux), l'avortement a été accepté à partir des années 1970 suite aux pressions des mouvements féministes. Il est aujourd'hui beaucoup plus courant, pour des raisons médicales, mais aussi si la femme en fait la demande (sauf exception ou avortement très limité : Irlande, Belgique). L'avortement autorisé en France à partir de 1975 à la suite du combat de Simone Veil (au total dans le monde, il y aurait 4 avortements pour 10 naissances)

Ainsi, le modèle dominant aujourd'hui est celui de la famille de deux enfants : tout est basé sur ce modèle, la conception des voitures, les plats surgelés, la publicité…

- Les causes de la fécondité forte des pays en voie de développement

COMMENTAIRE DE LA CARTE
Le maximum (plus de 7) se rencontre en Afrique orientale, occidentale et dans le Moyen Orient arabe

Les raisons sont un peu inversées.
- La baisse de la mortalité (notamment infantile) est récente, donc les gens n'ont pas encore pris l'"habitude" d'avoir moins d'enfants.

- L'Âge précoce au mariage est surtout vrai en Afrique, dans les pays arabes du Moyen Orient et d'Asie du sud (notamment Bangladesh) où 30-40 % des jeunes filles de moins de 19 ans sont mariées. L'âge moyen du mariage est de 18 ans en Afrique (ouest et centre) et de 19 ans en Asie du sud.

De plus l'écart entre hommes et femmes est le plus important en Afrique, dans le Moyen Orient et en Asie du sud (5 à 8 ans), ce qui est un signe d'inégalité forte entre hommes et femmes (dans le monde moyenne de 4 ans -25,5 et 21,5 au premier mariage- / 2-3 ans en Europe, 3-4 ans en Europe de l'est)

Le célibat est infime (1 % à 50 ans). Les cartes du taux de femmes mariées à 50 ans et de la fécondité sont assez corrélées (sauf en Chine où 99 % des femmes sont mariées à 50 ans et où fécondité est devenue relativement faible)

L'âge de la maternité est précoce aussi : en Afrique le taux de fécondité des femmes de moins de 19 ans est de 120 à 230 naissances pour 1000 femmes (ainsi qu'au Bangladesh, en Afghanistan, quelques pays d'Amérique centrale) (mais il est de moins de 30 en Inde, en Tunisie, 0 en Chine)

- L'importance de la religion, le catholicisme et l'Islam étant nataliste. Ce qui compte c'est le degré d'adhésion aux recommandations religieuses. L'influence est encore plus marquée dans les pays ou le politique et le religieux interfèrent comme dans les pays musulmans.

- Filles peu scolarisées (de 0 à 40 %) donc peu de contraception et peu de travail des femmes. Quand ce taux augmente, la fécondité baisse

- Raisons socio-économique : les pays pauvres ne vivent pas dans une société de consommation, l'enfant ne coûte pas aussi cher. L'enfant aide les parents tôt (travaux ménagers, travaux des champs, mendiants) et constitue une "assurance retraite".

- Culte des ancêtres

Les facteurs qui font baisser la natalité

- La polygamie des pays du Moyen Orient musulman et en Afrique noire a tendance plutôt à faire diminuer la natalité, contrairement à ce qu'on croit, car les femmes sont moins souvent "honorées" (chiffres de Dakar : 51 % de monogames, 33 % bigames, 10 % ont trois femmes, 6 % célibataire)

- La liberté sexuelle dans certains pays d'Afrique noire a tendance à faire baisser la natalité, à cause de la diffusion des maladies vénériennes et des infections gynécologiques qui provoquent la stérilité (pour une femme sur 10) (notamment en Afrique centrale : voir carte : Congo, Congo-Kinshasa, Centrafrique, Cameroun, Gabon)

- L'allaitement maternel est généralisé et prolongé : il a tendance à faire baisser le nombre de naissance, car il prolonge l'absence d'ovulation (mais ce n'est pas absolu). De plus l'Afrique noire connaît un tabou de l'allaitement (on ne peut avoir de relations pendant cette période, d'où aussi la polygamie).

- Les pays qui ont mené une politique volontariste de baisse de la fécondité comme évidemment la Chine et l'Inde. Par la promotion des moyens modernes de contraception : 74 % des femmes en Chine, 40 % de Inde (chiffres approximatifs), par la légalisation et l'encouragement de l'avortement

On parle de politique malthusienne

D'autres pays ont accru l'utilisation de la contraception en lien avec l'enrichissement et le développement du pays : 45 % en Tunisie, 50 % au Mexique, 65 % au Brésil. La moyenne des pays en voie de développement est de 50 %.

Les seuls pays où la proportion reste très faible est l'Afrique où le taux est de moins de 20 % (sauf toujours Afrique du nord et Afrique du sud) et où se trouvent les 6 pays qui interdisent la contraception dans le monde (Libye, Tchad, les 2 Congo, Gabon + Arabie, Birmanie.

 

II- La chute de la mortalité

Comme toujours la mortalité est intéressante à étudier : la mortalité est révélatrice des inégalités entre populations ou entre groupes sociaux

1- Les mesures de la mortalité

Comme toujours on commence par les outils qui permettent de mesurer. Comme toujours, on commence par une critique des données. Comme toujours, les chiffres sont fiables dans les pays développés (on a non seulement le nom et l'âge et le domicile de la personne décédée mais aussi sa profession et les causes de son décès) et beaucoup moins dans les pays en développement (mais comme toujours, ça dépend du pays puisque les pays en voie de développement sont très variés).

- Taux de mortalité : c'est le nombre de morts pour 1000 habitants en un an : France 9 ‰, Algérie 7 ‰ Maroc 6 ‰, alors que l'état sanitaire et le niveau de développement ne sont pas les mêmes. Encore plus que pour le taux de natalité, la structure par âge a une forte influence. Comme on a plus de risque de mourir quand on est vieux, il y a plus de mortalité en France, qui est un pays vieux, qu'en Algérie, pays très jeune. Donc là encore on a besoin de mesures qui éliminent l'effet des structures par âge.

- Taux de mortalité infantile, nombre de décès de moins de un an pour 1000 naissances, est considéré comme un bon indicateur des conditions sanitaires (la mortalité est relativement forte pour les nouveau-nés, puis elle diminue fortement pour le reste de l'enfance. Voir la pyramide des âges des décès)

France 5 ‰ (un des chiffres les plus bas, on peut difficilement descendre plus bas (4 ‰ pour la Suède, Finlande, Japon, Singapour)/ Algérie 44 ‰, Maroc 62 ‰

Mais en même temps il n'est révélateur que des décès des moins de un an, et donc pas de la pathologie des autres âges. Du coup le meilleur indicateur est…

- L'espérance de vie (à la naissance en général), ou durée moyenne de vie, est donc le meilleur indice. Calcul assez compliqué (tables de mortalité par âge).

C'est l'âge moyen auquel décéderait une génération de nouveau-nés qui tout au long de leur vie auraient les taux de mortalité par âge de l'année en question. Contrairement à ce que suggère le mot "espérance", c'est un chiffre qui ne dit rien sur la durée de vie des enfants nés cette année là. C'est un indicateur du moment qui donne la durée moyenne de vie d'une génération fictive.

Ce qu'il faut retenir c'est qu'il mesure la durée de vie des habitants à un moment donné, comme si tout le monde, quel que soit son âge, était soumis à la mortalité du moment.

2- Les variations de la mortalité dans le monde et dans le temps

Mortalité infantile et espérance de vie ont des variations voisines dans l'ensemble (VOIR LES CARTES).

2-1- Variations dans le monde

Mortalité infantile  : 59 ‰ dans le monde, mais les inégalités sont très grandes.

- Elle est de moins de 10 ‰ en Europe et Amérique du nord en raison de la surveillance des femmes enceintes, du suivi des nouveaux nés et du niveau d'éducation des mères (mais chiffres moins bas dans l'ancien bloc de l'est : 15 en Bulgarie, 21 en Roumanie, 18 en Russie)

- Mortalité infantile forte (entre 50 et 150 ‰) dans la plupart des pays d'Afrique (plus de 100 au Mali, Niger, Mozambique, Somalie). Les chiffres les plus bas en Afrique sont relevés en Tunisie-Algérie (43-44), La Réunion (7, DOM) et les Seychelles (18) et l'Afrique du sud (53) et le Bostwana (41) (on retrouve encore le plus grand développement de la partie sud et la partie nord de l'Afrique)

- Puis comme toujours les pays intermédiaires sont très diversifiés :

Amérique centrale et Amérique du sud est située entre 37 et 40 ‰ mais certains pays sont au niveau européen :Chili 12, Argentine 20, Cuba 9, Martinique 9 (qui relève de la France)

Asie occidentale (56), Asie du sud-est (52), Asie orientale (29). La situation est parfois très variée en Asie où l'on trouve des pays comme l'Afghanistan, le Cambodge ou le Laos (respectivement 163, 111 et 102) et la Malaisie et Corée du sud à 11, Singapour 4, Taiwan 5).

Pour l'espérance de vie : elles est en moyenne de 66 ans

- Europe et Amérique du nord  : plus de 70 ans (73 pour les hommes et 80 pour les femmes) (mais 58 et 72 en Russie)

- Afrique autour de 50-55 ans (sauf 62-64 ans en Afrique du nord et 54-58 ans en Afrique du sud)

- Les pays intermédiaires ont une espérance de vie comprise entre 60 et 70 ans : Asie 65-62-69 ans pour les hommes, 69-66-73 ans pour les femmes, la zone la moins avancée étant l'Asie autour de l'Inde ("centre-sud") avec 59 et 60 ans

Amérique latine 68-74 ans en Amérique centrale et 65-72 ans en Amérique du sud.

2-2- Variations dans le temps

Globalement à l'échelle du monde, on peut encore une fois interpréter ces différences comme des décalages chronologiques dans le recul de la mortalité qui a commencé en Europe au 18è s et s'est progressivement diffusé dans le monde entier.

Avant la révolution industrielle, on estime que l'espérance de vie des pays européens était de 30-35 ans (aux 17 et 18e s). Les progrès ont commencé à toucher les classes aisées en Angleterre et en France dans la deuxième moitié du 18è s, puis le reste de la population à partir de 1800 (on estime que l'espérance de vie était de 35 ans en France, GB, et autres pays du nord-est, puis 41 ans en 1840 et 50 ans en 1900. La mortalité infantile baisse parallèlement  : de 200 ‰ en 1800 à 45 ‰ en 1900.

Le recul de la mortalité atteint les autres pays : Etats-Unis et Canada vers 1800, Allemagne vers 1830, Japon, Mexique, Argentine vers 1900, vers 1920 au Brésil, Chili, Hong Kong, vers 1930 en Inde. La baisse commence vers 1945 en Afrique noire, sauf dans certains pays d'Afrique équatoriale et occidentale où la baisse vient de commencer.

Le changement est d'autant plus rapide qu'il est tardif : il a fallu 200 ans pour doubler l'espérance de vie en GB, mais 50 ans au Sri Lanka.

3- Les facteurs d'explication

- Les progrès de la médecine ont connu deux temps forts : la fin du 19è s avec les premiers vaccins qui finissent par éradiquer la plupart des maladies contagieuses, depuis 50 ans le développement des antibiotiques comme la pénicilline, contre les maladies infectieuses  

(les progrès de la médecine sont passé parfois par les progrès de la chimie qui ont permis d'éradiquer les moustiques responsables du paludisme) (par exemple Languedoc-Roussillon années 1960)

- Les progrès de l'hygiène publique sont marqués par les mesures de protection contre les épidémies (à Paris, après l'épidémie de choléra en 1832, il est décidé de transférer les marchés à l'extérieur de la ville -sauf les halles) et surtout les mesures d'hygiène publique comme la construction des égouts et l'acheminement de l'eau potable dans la deuxième moitié du 19è s. En France, les travaux très limités avant le second Empire ont été systématisés par Haussmann entre 1852 et 1870. En 1884 le préfet Eugène-René Poubelle impose le ramassage des ordures, faisant décliner le métier de chiffonnier. Les progrès sont venus aussi de l'éducation générale à l'hygiène privée, ne serait ce que par des gestes simples comme se laver les mains ou les dents

On peut ajouter aussi l'élévation du niveau d'instruction, qui a favorisé l'hygiène de vie et a permis de bien utiliser les médicaments. Autre influence, le changement de prise en considération des nourrissons à partir de la 2è moitié du 18è s. Jusqu'alors c'était des petits d'hommes un peu étranges, on attendait qu'ils grandissent rapidement pour les faire contribuer au travail, quand ils étaient bébés on les emmaillotait pour éviter qu'ils ne courent partout et éventuellement on les accrochait au mur pour éviter qu'ils ne soient mordus par les bêtes de la ferme. A partir du 19è s, on les considère comme des enfants, on enlève leurs emmaillotement, on les stimule et la mortalité diminue. Shorter émet l'hypothèse  : qu'on pensait que les mères ne s'attachaient pas beaucoup à leurs nourrissons car la mort était très présente (1 sur 4 mourant avant de 1 an) alors qu'en fait c'est plutôt l'inverse : c'est leur manque d'attention (et l'absence d'allaitement maternel car beaucoup de familles de la ville, notamment, mettaient leurs bébés en nourrice à la campagne) qui aurait aggravé la mortalité infantile. Inversement, c'est le nouvel intérêt des mères fin 18è-19è s qui aurait contribué à ce que les enfants, mieux pris en considération mourraient moins.
(Edward Shorter, Naissance de la famille moderne, Points-Seuil)

- Progrès de l'alimentation  : d'abord en quantité, avec la disparition des famines au 19è s, grâce aux progrès des transports (qui permettaient de diffuser la nourriture) et au développement des rendements des récoltes

Et ensuite en qualité : la malnutrition qui rend fragile a disparu notamment grâce à l'augmentation de l'élevage. Mais l'abondance moderne a créé une nouvelle forme de malnutrition notamment aux Etats-Unis, particulièrement concernés par les problèmes d'obésité.

La qualité de l'alimentation peut avoir un rôle dans les différences de mortalité entre pays riches. On a observé que l'espérance de vie des pays de la Méditerranée comme Espagne, Italie, Portugal, Grèce (73-81, 75-81, 72-79, 75-79) était comparable à l'espérance de vie de l'Allemagne (73-80) de la Hollande (75-80) ou du Danemark (73-78), alors que l'équipement médical n'est pas le même, étant donnée la différence de richesse entre les deux parties de l'Europe : ce serait dû au "régime alimentaire méditerranéen" à base de légumes, de pain et d'huile d'olive, peu de viande, tandis que les pays du nord de l'Europe font leur cuisine au beurre, ce qui serait beaucoup moins bon pour la santé de ses artères et se traduirait pas un plus grand nombre de maladies cardio-vasculaires.

Au total, c'est le Japon qui a l'espérance de vie la plus grande (80 ans) en raison du niveau de vie élevé, du bon niveau d'instruction, de services de santé efficaces et d'un régime alimentaire favorable caractérisé par peu de graisses animales mais beaucoup de poissons. Juste après viennent l'Islande, les Pays Bas, la France, la Suisse.

Toutes ces causes ont varié dans le temps. En Europe, la baisse lente du 19è s a été due à l'amélioration des conditions de vie (progrès agricoles avec l'introduction de la patate et de la luzerne, plante fourragère qui enrichit les sols). Fin 19è jusqu'à 1945 dominent les progrès de l'hygiène, des vaccins (Pasteur après 1880), de la chirurgie. Depuis 1945 les progrès de la médecine continuent à être marquants (antibiotiques).

Désormais la mortalité est essentiellement endogène (qui prend naissance à l'intérieur d'un corps) due aux dérèglements intérieurs des personnes à cause du vieillissement (qui existaient autrefois, mais n'étaient pas massifs puisque peu de gens arrivaient à l'âge mûr) : maladies cardio-vasculaires, première cause de mortalité avec 200 000 décès, cancers (2è cause de mortalité avec 130 000 décès, influence du tabagisme). Mais cette mortalité ne baisse plus aussi vite car la lutte contre le vieillissement est beaucoup plus difficile et coûteuse.

De plus, les comportements à risque font stagner les gains en espérance de vie, notamment la consommation d'alcool et de tabac (les femmes qui fument désormais presque autant que les hommes risquent de voir leur espérance de vie stagner). C'est aussi ces habitudes de consommation qui expliqueraient la surmortalité du nord de l'Italie par rapport au sud du Mezzogiorno, alors que le sud est nettement plus pauvre.

Les accidents de la route relèvent aussi de ces causes de "civilisation". Même si en France il y a eu net progrès (15 000 morts dans les années 60 contre 8000 aujourd'hui), la France fait quand même partie des pays les plus dangereux et c'est la première cause de mortalité pour les jeunes.

L'épidémie du SIDA est désormais contenue grâce aux vastes campagnes en faveur du préservatif et aux nouveaux traitements du style trithérapies
(du coup certains auteurs parlent de "maladies de civilisation")

Dans les pays en voie de développement, il y a eu de nets progrès dans la lutte contre la mortalité et rattrapage par rapport aux pays riches : la différence est aujourd'hui de 12 ans entre pays "riches" et pays "pauvres", mais elle était de 20 ans dans les années 1950.

Cette baisse rapide est due à l'introduction de techniques des pays industriels comme les vaccins (notamment dans les années 1970 par l'Unicef) et l'assainissement des eaux dans les grandes villes , l'utilisation d'insecticides contre le paludisme, sans que l'équipement médical ait en fait tellement progressé

Aujourd'hui, la mortalité reste une mortalité différente de la mortalité des pays riches : elle est exogène, due à des agents infectieux extérieurs : prédomine encore les affections contagieuses et les parasitoses qui touchent les systèmes digestifs et respiratoires On a constaté une reprise du choléra en Amérique latine. L'épidémie de SIDA toucherait un quart de la population adulte dans certaines villes d'Afrique tropicale (en lien avec la liberté sexuelle).

4- Les différences à l'intérieur de chaque pays

A l'intérieur de chaque zone, il y a des différences dues aux catégories sociales et au sexe.

- Concernant les catégories sociales, on pourrait croire que plus on est riche, plus on vit vieux puisqu'on peut mieux se payer médecins et médicaments (même dans les pays à protection sociale forte)

En fait la longévité est davantage liée au niveau d'instruction qu'au niveau des richesses : le métier à la longévité la plus longue est instituteur. C'est globalement la catégorie des cadres supérieurs, ingénieurs et professeurs qui vit le plus longtemps. La différence n'est quand même pas négligeable, puisqu'à 35 ans (chiffres pour les hommes), les professeurs ont encore 45 ans à vivre, contre 35 ans pour les ouvriers manœuvres.

Cette différence est liée aux conditions de vie et de travail plus favorables pour les professions intellectuelles, à leur facilité d'utiliser l'offre médicale et aux habitudes plus ou moins saines de vie

(voir la CARTE DE PARIS de l'espérance de vie, qui traduit les différences sociales des quartiers)

- Concernant les différences entre hommes et femmes (www Ined) : cette différence existe partout (l'espérance de vie du monde est de 64 ans pour les hommes, 68 ans pour les femmes) mais elle s'accroît dans les pays développés. Elle est particulièrement forte en France du fait d'une certaine surmortalité masculine, notamment entre 45 et 65 ans. Les différences de conditions de travail ne jouent plus que marginalement aujourd'hui  : il y a encore quelques accidents du travail, les effets de l'amiante, mais c'est marginal en nombre de décès.

C'est une différence essentiellement de comportement, pas une différence biologique. C'est que les hommes boivent plus (notamment en Russie où les hommes vivent 58 ans et les femmes 72 ans), fument plus, mangent plus et font moins attention à leur ligne, ont plus d'accidents de la route mortels, "réussissent" mieux leur suicide, vont moins consulter facilement le médecin, sont plus touchés par le SIDA

 

III- La transition démographique

Ces situations différentes peuvent être interprétées comme des différences de stades de la "transition démographique", théorie élaborée par des démographes anglo-saxons dans les années 1950.

Rappel de la théorie COURBE

Tous les pays sont passés ou sont en train de passer par 2 phases, qui globalement sont toujours les mêmes. C'est bien sur une théorie, un modèle simplificateur, il faudra donc voir ensuite les écarts au modèle.

- Dans la situation ancienne, la mortalité et la natalité sont élevées, la mortalité connaît d'importantes fluctuations à cause des crises démographiques (famines et surtout épidémies), la croissance démographique est très faible ou nulle. C'est une situation qui n'existe plus, puisque même dans les coins les plus isolés de l'Asie du sud-est, de l'Afrique équatoriale, de l'Amazonie, il y a eu des campagnes de vaccination et de lutte contre la malaria

- Lors de la première phase de la transition, la mortalité baisse tandis que la natalité reste forte, ou même augmente car les femmes meurent moins en couche. C'est la situation d'une petite partie des pays africains (Afrique de l'ouest et du centre)

La croissance passe par un maximum à cause de cet écart (dû au fait fondamental que les gens ne se "rendent pas compte" tout de suite que leurs enfants meurent moins qu'avant et que ce n'est plus la peine de poursuivre le comportement traditionnel). De nombreux pays africains et du Moyen Orient sont dans cette situation. A ce stade là, la croissance peut être de 3 voire 3,5 %, ce qui signifie que la population double en 20 ans.

- Dans la deuxième phase, la mortalité continue de baisser, la natalité baisse rapidement et la croissance décélère. L'Amérique latine et une partie de l'Asie sont dans ce cas.

- Dans la situation moderne, les taux de mortalité et de natalité sont très faibles, la croissance démographique faible ou nulle. Dès lors, c'est la natalité qui connaît des fluctuations, c'est ainsi qu'on peut interpréter le baby boom. C'est l'évolution qu'ont connu l'Europe, les Etats-Unis et les autres pays développés. C'est l'évolution que connaissent actuellement les pays en voie de développement, avec des stades et des intensités très différents.

Les principales différences entre pays développés et pays en voie de développement sont :

- la transition s'est faite beaucoup plus lentement dans les pays développés, puisqu'elle a suivi la baisse de la mortalité qui a été lente au 19è s. Alors que dans les pays en voie de développement, l'ensemble des phases s'est fait parfois en 50 ans, contre 150 ans pour les pays européens.

- la natalité a toujours été plus faible dans les pays développés par rapport aux pays en voie de développement, donc la croissance démographique y est nettement plus forte (3 % contre 1,4 % au maximum)

Cas particulier de la France : la France a été pionnière dans la baisse de la natalité puisque cette baisse aurait commencé chez les jeunes femmes de la noblesse de la fin du 17è s (les Précieuses qui voulaient pouvoir se consacrer aux arts et aux lettres et à leur salon). La baisse de la fécondité se serait ensuite diffusée auprès de la grande bourgeoisie, la moyenne bourgeoisie etc. jusqu'au couches populaires au 19ès. Résultat, les deux courbes de la mortalité et de la natalité se suivent en France : c'est pourquoi la croissance démographique du 19è n'a pas été très forte, contrairement à la GB, d'où des conséquences géo-politiques, comme une moindre émigration dans les colonies et en Amérique (c'est une des explications de la domination actuelle de l'anglais et de l'énorme perte d'influence de la langue française depuis le 18è s)

Au total, concernant l'augmentation de la population mondiale :

On est passé au 2è milliard en 1935, 3è en 1960, 4è en 1970, 5è en 1988

L'augmentation de la population mondiale a connu un maximum de 2 % en 1970 : depuis 1975 le taux d'accroissement annuel baisse (il est actuellement de 1,5 %). Mais cette décélération des taux de croissance n'a pas eu de forte conséquences sur le nombre total d'habitants de la terre en raison de l'augmentation de l'espérance de vie, et il y a chaque année près de 90 millions de nouveaux être humains sur terre (140 millions de naissances - 52,5 millions de morts). Le maximum semble avoir été atteint en 1992

Retour au sommaire